Le site des galériens du logement

>> Logement précaire, bulle immobilière, happenings en tous genres

Vous êtes ici : Accueil » Actions et mobilisations

>>Compte-rendu de l’occupation-expulsion du 89 rue de la Faisanderie (Paris 16)

18 septembre 2007
Auteur(e) : 

Compte-rendu de l’occupation-expulsion du 89 rue de la Faisanderie (Paris 16)

en vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x2z5li_sarko-expulse-les-jeunes_politics



envoyé par

Les macaqs pénètrent discrètement samedi 1er septembre dans la cour du 89 rue de la faisanderie, dans le 16e à paris. L’immeuble, un hôtel particulier de quatre étages, 2350 m2, est inoccupé depuis novembre 2006. Il accueillait auparavant diverses entreprises. En 2001, l’immeuble est vendu pour 20 millions d’euros à MERIDIONAL EUROPA, un fonds d’investisement espagnole.

Il est aujourd’hui proposé à la location pour 1 million d’euros par an. L’immeuble est proposé à la location depuis plus d’un an, et Le derniers des locatires est parti il y à dix mois. Selon le voisinage les entreprises qui loué un ou plusieur bureaux ne sont jamais resté plus d’1ans mais la société gestionnaire Richardière, ne baisse pas le prix. A quoi bon, son client ne peux être comptent en 1ans et demi il à déjà fait une plus value de 3 millions d’euros. Cette stratégie consiste à alimenter sciemment la crise immobilière, en faisant flamber les prix du quartier, à des fins uniquement spéculatives.

Les macaqs pénètrent dans un bâtiment grâce à une fenêtre entrebaîllée. Pendant quatre jours, nous arrivons samedi 1er sept, occupant les lieux de manière hyper discrète, de telle façon que l’administrateur ne se rende pas compte de notre présence lors de sa visite. Après quatre jours d’habitation, l’immeuble peut être considéré comme notre domicile. Par la suite les serrures de la grille d’entrée sont changées, ce qui ne constitue nullement une effraction.

Avec un camion de déménagement, accompagné par des journalistes de M6 (66 minutes), Canal+ et Libération. De façon toujours très discrète, les occupants déjà présents dans l’immeuble installent leurs meubles, lits, etc. Il y a à ce moment vingt habitants, répartis dans les cinq niveaux du bâtiment principal et du bâtiment secondaire. On améliore les lieux de couchage, de cuisine, de repas, de toilette, on installe les salons, bref on aménage. Le ménage de tout l’immeuble et de la cour est effectué, les locaux sont absolument respectés. La vie en collectivité s’organise : une équipe assure la sécurité et le gardiennage, une personne s’occupe des clés, une personne s’occupe du planning de présence de chacun, une équipe installe la cuisine, une autre assure le bon fonctionnement du circuit d’électricité, d’eau...

Dans l’après-midi, visite d’un commercial, accompagné de deux clients potentiels. Il est reçu par le chef de la sécurité de la résidence universitaire Faisanderie, qui lui explique calmement que son bien a été réquisitionné par des étudiants qui n’ont pas trouvé d’autre solution de logement abordable sur Paris à cause de la crise de l’immobilier. Ce n’est plus chez lui mais chez eux. Le gestionnaire tonne devant les caméras de télévisions : "Mais j’en ai rien à foutre des étudiants !"Après un conciliabule avec son collègue, ils décident de faire la visite à leurs clients comme si de rien n’était. Finalement les clients repartent. Le gestionnaire va au commissariat déposer plainte pour effraction. Un peu plus tard, la police arrive, une quinzaine d’agents. Ils discutent avec le chef de la sécurité devant la grille, et constatent l’absence totale de danger : l’occupation est pacifique, non-violente. Le commissaire divisionnaire du 16e arrondissement arrive un peu plus tard pour attester l’occupation, il est accueilli par tous les habitants avec le sourire. Il visite tout l’immeuble et constate que les habitants sont bel et bien présents depuis une semaine, il atteste la domiciliation. Le commissaire a le sourire pendant toute la visite, il s’amuse de voir ces squatteurs d’un type peu habituel, accueillants, respectueux, polis, soignés, déterminés à habiter normalement cet immeuble inoccupé et à faire plier les propriétaires profiteurs. En repartant, il confie au chef de la sécurité : "De toute façon, il n’y a que comme ça que ça marche !". Pendant toute la soirée, les habitants font des allers et retour avec le camion pour apporter leurs effets personnels, meubles, lits, et continuent à investir cet immeuble immense qui n’attend qu’eux pour reprendre vie.

Chacun organise son coin et les espaces communs, après un sérieux ménage. Ils décorent, imaginent la vie dans l’immeuble pour en faire un lieu convivial, avec des espaces d’accueil, des locaux pour accueillir des associations. Les personnes en couple installent leur appartement, les célibataires organisent des "colocations", on prévoit la chambre du bébé, resté à l’extérieur avec sa mère en attendant que tout soit prêt pour l’accueillir... On réfléchit à l’installation de douches, de machines à laver, de frigos. Pendant toute la nuit les habitants se relaient pour assurer la permanence à l’accueil, pour monter les affaires qui arrivent régulièrement avec le camion.

Le jeudi matin, l’aménagement reprend. Vers dix heures un agent des Renseignements Généraux vient visiter l’immeuble. Très cordiaux, Julien et lui plaisantent, se tutoient, il parlent des prochaines échéances électorales...

julien : "En fait je me présente aux élections pour le PS dans le dix-septième" le RG : "Ah oui, ce serait marrant que vous battiez la... la Panaf" Il repart, tout sourire.

L’aménagement continue. Vers 13h30, de violents coups retentissent vers la grille d’entrée. Une dizaine de fourgons de CRS sont stationnés devant l’immeuble. La rue est bloquée à ses deux extrémités, les CRS empêchent les journalistes de passer. Les CRS, avec casque, jambières, matraque, menottes, pistolet, boucliers, sont en train de défoncer une porte en bois qui donne sur la rue. Julien ouvre la porte en métal : "Si vous voulez entrer, c’est plus facile par ici..."

Une cinquantaine de CRS entrent en file serrée, au pas de course, dans la cour. Julien : "Prenez soin de mes étudiants, tout de même !" Ils investissent immédiatement tout l’immeuble. A ce moment, seuls une dizaine d’habitants sont présents, les autres sont sortis, soit à leur travail, soit en rendez-vous, soit partis chercher leurs affaires dans leur ancien logement. Nous accueillons gentiment les dizaines de CRS qui investissent les lieux comme s’ils débarquaient dans un QG de terroristes armés jusqu’au dents.

moi : "Bonjour !" CRS : "Il y a du monde à cet étage ?" moi : "Non, là je suis tout seul." CRS : "Qu’est-ce qui se passe, ici ?" moi : "Eh bien, c’est chez moi, vous voyez, j’habite ici." CRS : "Prenez vos affaires et partez."

Les habitants, sans résistance aucune, sans poser aucune question, plient rapidement les cartons qu’ils ont à peine déballés et les descendent dans la cour. Les CRS pressent mais n’aident pas à porter les affaires, chacun fait au plus vite, tâche de prendre les affaires de valeur des amis absents à ce moment là. Chacun appelle les habitants absents pour leur dire de venir au plus vite. A peine un cinquième des affaires sont descendues et les CRS empêchent les habitants de monter chercher les affaires restantes, même les papiers importants, objets de valeur, etc.

L’expulsion s’est faite sans décision de justice, sans procès, sans la présence d’un huissier, ce qui est indispensable pour une expulsion après 48h d’habitation. L’ordre d’expulsion est venu directement du préfet de police de Paris, en lien avec l’Elysée, sans que le commissariat du quartier ne soit prévenu, sans sommation, sans enquête, sans preuve, sans motif, bref, parfaitement en dehors du droit français. Mais l’heure n’est pas au débats juridiques, ils faut récupérer les affaires personnelles. Les officiers s’impatientent en attendant le gestionnaire RICHARDIERE, représentant du propriétaire, qui tardent à arriver. Un officier de police judiciaire relève notre identité. Il faut évacuer les lieux, le commissariat voisin nous prête sa cour pour entreposer les affaires que nous sommes parvenus à sauver. Nous discutons avec les policiers, qui sont exactement dans la même galère de logement que nous : leur maigre solde ne leur permet pas d’habiter Paris, et encore moins le XVIe. Ils comprennent notre problème et notre combat.

Des CRS nous pressent de rejoindre les autres au barrage du bout de la rue, mais en fait c’est sans aucune raison. Les camions de CRS partent d’un côté, les CRS à pied de l’autre, ils ne savent pas trop ce qu’il faut faire, en fait ils sont complètement perdus. Finalement ils nous laissent seuls dans la rue. En fait nous aprenons plustard qu’ils partaient pou expulcer un autre squate. Seuls quelques gendarmes gardent les grilles de la cour de l’immeuble, et c’est seulement à ce moment que les caméras de télé peuvent enfin filmer les lieux... mais il n’y a plus rien à voir que des étudiants sur le trottoir. France 2, M6, Canal+, le mouv’, la revue Regards, Le Parisien et la télé ParisCap, viennent nous interroger pour comprendre ce qui s’est passé et ce que nous allons faire maintenant.

Manifestement cette expulsion est complètement illégale, les vices de forme sont légion. Nous avions droit à un procès avant d’être expulsés. Quant à nos affaires, elles sont séquestrées illégalement dans le bâtiment. Nous décidons de porter plainte contre le propriétaire ou sont gestionnaire, qui a commandé cette expulsion et nous empêche de récupérer nos affaires. La préfecture de police est elle aussi hors-la-loi, mais nous savons à l’avance qu’il sera impossible d’obtenir gain de cause.

Une entreprise de sécurité avec trois chiens de garde viennent surveiller l’immeuble. Un serrurier, un menuisier changent les serrures et renforcent les fermetures. Nous insistons pour récupérer nos affaires personnelles, mais chacun le gestionnaire de propriétaire, qui est arrivé entre temps, ne veut rien entendre.

Nous discutons avec les passants, avec les habitants du quartier qui sont curieux de savoir ce qui se passe. Ils sont pour la plupart sensibles aux difficultés de se loger à un prix raisonnable à Paris, trouvent que notre initiative est bonne, et sont déçus que nous nous soyions fait virer. Tous attestent n’avoir subi absolument aucune nuisance de notre présence, par contre les CRS leurs cassent les oreilles avec les sirènes, les chiens, les coups de bélier...

Ils trouvent amusante l’idée d’habiter sans payer, et auraient vu d’un très bon oeil la présence d’étudiants dans le quartier, un peu trop ennuyant à leur goût.

Nous partons pour le commissariat central du XVIe déposer collectivement notre plainte pour :

- violation de domicile
- expulsion sans décision de justice
- non présence d’huissier
- non respect de la loi du 5 mars 2007
- séquestration de biens personnels

Au commissariat central, l’officier refuse d’enregistrer notre plainte (ce qui est totalement illégal), au prétexte que la personne qui s’occupe des expulsions dans le XVIe (sic) est absente et ne reviendra que le lendemain. Prétexte bidon évidemment, il s’agit juste pour eux de gagner du temps, or il faut déposer la plainte dans les 24h... Nous insistons. Ils renvoient vers l’huissier, nous expliquons qu’il n’y en avait pas. Ils renvoient sur le juge, nous expliquons qu’il n’y a pas eu de procédure judiciaire. Ils renvoient vers la gendarmerie, en expliquant qu’ils ne sont pas concernés par une affaire dont se sont mêlés les CRS. Finalement le commissaire divisionnaire du XVIe (toujours le même) arrive et nous explique ce qui s’est passé. La séquestration de biens est réglée, le commissaire a demandé à l’instant à l’administrateur de biens de nous laisser récupérer, à trois à la fois dans l’immeuble, nos affaires. En réalité nous n’avons pas été expulsés pour occupation illégale, mais pour délit d’effraction. L’intervention policière ne nécessitait donc ni huissier, ni décision du juge, ni procédure judiciaire. Une simple décision préfectorale a suffi.

- Quelle était l’effraction qui a justifié l’expulsion ?
- Le changement de serrure.
- Quand cette "effraction" a-t-elle été attestée ?
- Suite à l’expulsion.
- Donc au moment de l’expulsion vous n’aviez aucune preuve contre nous ?
- Nous vous avons expulsés pour pouvoir constater l’effraction.
- Vous ne pouviez pas constater une serrure changée sans vider tout un immeuble ?
- De toute façon il fallait vous faire partir, parce que... parce que... vous savez... le contexte politique... le seizième arrondissement...
- Donc une volonté politique de l’Elysée vous autorise à outrepasser les lois de la République ?
- Vous pouvez toujours déposer plainte contre le préfet de police, vous avez certainement des raisons de le faire. Mais bon, je vous le dis, vous avez peu de chances d’aboutir...

Retour au 89 rue de la Faisanderie, le commissaire à obtenu non sans dificulté auprès du gestionnaire, que nous puissions récupérer nos affaires. Nous vidons toutes les affaires, nous chargeons des camions prêtés, et nous partons, bien décidés à ne pas en rester là.

Dans un journal du jour, nous lisons par hasard que "le Président de la République Monsieur Sarkozy a reçu ce matin (jeudi matin) les préfets de police afin de mieux organiser la lutte contre la délinquance en Ile-de-France"...

Jean-Marc Delaunay Ancien habitant du 89 rue de la Faisanderie

Dans la même rubrique
Expulsion de « L’impasse », bâtiment réquisitionné
Comment réussir une réquisition annoncée en préfecture
Plate-forme des jeunes mal-logés : Debout les locataires de la terre
La Dream Team de L’Impasse
1er mai Action réquisition
Libéblog : et une nouvelle réquisition
Recommandez la pétition
Videowall
Grand Barouf d’honneur du samedi 23 février 2008 - 14H
Newsletter lundi 18 février - Débats et nuit solidarité logement
Logement et prostitution passive
Municipales 2008 - Programme des débats au ministère
Boutin aime les jeunes sur le trottoir
"Sensibiliser autrement" : intervention de Jeudi Noir à Animafac
Jeudi Noir au Théâtre du Soleil (La Cartoucherie de Vincennes)
Actions de Jeudi Noir en vidéo et en musique
Occupation par Jeudi Noir d’un immeuble de Generali, jeudi 22 novembre 2007
Jeudi Noir aux ministères du logement et de l’enseignement supérieur
Video et photos de l’action du 10 novembre 2007
Mobilisation du 10 novembre 2007 : une journée en cité U
Inauguration / Expulsion de la Cité U "Valérie Pécresse" ouverte par le Ministère de la Crise du Logement.
Aperçu de notre action au salon de l’immobilier, samedi 29 septembre 2007
diaporama de l’action au salon de l’immobilier
Jeudi Noir sur France 3 - Actions du 22 septembre
Galerie photos de l’action du 22 septembre
Actions 22 Septembre 2007
Compte-rendu de l’occupation-expulsion du 89 rue de la Faisanderie (Paris 16)
Résidence universitaire du ministère de la crise du logement : une expulsion sans foi ni loi des occupants sans droits ni titres
Le Ministère de la crise du logement à la rencontre de l’UNPI
Île de la Jatte : Les jeunes galériens du logement à l’assaut du paradis des propriétaires !
Jeudi Noir au salon de l’immobilier
16 mars : Retour des expulsions locatives... A quand l’encadrement du marché ?
Samedi 24 mars : Jeudi Noir au salon de l’immobilier
Die Perlen au ministère !
Le CIC, arroseur arrosé, ou quand les pouvoirs publics s’opposent à la spéculation.
Segolène viendra au ministère
Programme des débats et actions au ministère de la Crise du Logement
Ministere de la crise du logement : semaines thématiques
6 janvier Première sortie de terrain du ministère de la crise du logement
Action du 25 novembre, en agence !
Action du 18 novembre 2006
Samedi 11 novembre - Nouvelle action Jeudi Noir
Jeudi-Noir - 2ème série d’actions
[Update Video] Nouvelles actions Jeudi-Noir !
Première intervention festive de « jeudi noir » sur le marché du logement !
Kit "Jeudi-Noir" - Vous aussi faites vos actions festives !
Première intervention festive de « jeudi noir » sur le marché du logement !

Formuler un commentaire sur cet article


 



RSS