Cécile Duflot, à quoi bon encadrer les loyers si c’est pour laisser monter les prix ?
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Par Jeudi Noir
Enfin les choses avancent au ministère du Logement. Après dix ans de politiques à contresens, d’incantations pour une illusoire France des propriétaires, de cadeaux fiscaux aux plus aisés et de stigmatisation des plus précaires, des inflexions sensibles ont eu lieu. Mais trop lentement. Car la crise du logement s’aggrave et fait des ravages que les premières mesures gouvernementales ne compensent pas.
Cécile Duflot a fait de l’encadrement des loyers privés des grandes villes sa priorité via le décret de juillet 2012 limitant les hausses de loyer pour les renouvellements de bail et les changements de locataires. Bravo ! Mais cela ne fait que limiter leur hausse et ne concerne pas les premières mises en location.
La promesse de campagne était de mettre en place des observatoires des loyers à partir desquels seraient imposées des baisses de loyer, jusqu’à -20 %. En 2011, le Sénat avait même voté le dispositif. -20 % dans les grandes villes sous tension, ce n’est jamais que le retour au niveau déjà insoutenable en vigueur au milieu des années 2000.
Ramener les loyers sur terre serait un premier pas pour annoncer une baisse des prix de vente, seul moyen pour les investisseurs de maintenir leurs rendements locatifs. Or, le nouveau projet de loi Duflot prévoit bien des observatoires, mais de baisse des loyers point. Pire, les loyers seraient autorisés jusqu’à un « loyer médian majoré », c’est-à-dire sans doute le loyer médian + 20%. Par quel tour de magie le passage de l’opposition au pouvoir transforme –20% en +20% ? A quoi bon encadrer si c’est pour laisser monter les prix ?
A quoi bon avoir un gouvernement de gauche ?

Un immeuble (Eric Grossnickle/Flickr/CC)
Quand elle était dans l’opposition, la gauche réclamait régulièrement un moratoire sur les expulsions locatives. Car ne plus pouvoir payer des loyers délirants n’est pas un crime qui justifie d’être jeté à la rue comme un malpropre, de voir bafouer son droit au logement, pourtant reconnu comme un objectif constitutionnel.
Après six mois d’attente, consciente de l’absurdité d’une telle situation, la ministre du Logement a publié une circulaire interdisant l’expulsion des ménages que l’Etat s’était engagé à reloger dans le cadre du Droit au logement opposable (DALO). C’était le minimum syndical, mais les prioritaires DALO ne sont qu’une minorité parmi les ménages expulsés.
Il n’y aura pas de moratoire sur les expulsions, a pourtant affirmé Cécile Duflot, alors même qu’un rapport de son propre ministère demande qu’il n’y ait plus d’expulsion sans proposition de relogement et que le budget d’indemnisation des propriétaires lésés soit abondé en conséquence, ce qui coûte au final toujours moins cher à l’Etat. A la place, Cécile Duflot promet la mise en place d’une garantie universelle des loyers, obligatoire pour tous les bailleurs pour les assurer contre les impayés, tandis que seraient prévenues en amont les expulsions. Date d’entrée en vigueur prévue ? 2016 ! 2016 ?
En moyenne, un sans-abri meurt dans la rue chaque jour, en été comme en hiver. Sous la gauche comme sous la droite. A ce rythme, ce sont plus de 1 200 morts supplémentaires que nous aurons à déplorer dans cette macabre comptabilité. Sans en imputer la responsabilité exclusive à l’action ou l’inaction des ministres du Logement, il est impossible de les considérer comme des morts naturelles et inévitables. A quoi bon avoir un gouvernement de gauche si les SDF continuent de mourir sous nos yeux ?
Il serait pourtant possible de reloger tous les ménages jugés prioritaires au DALO laissés sur le bord de la route, qui ne sont après tout que 35 000. Il serait même possible de le faire sans concentrer la pauvreté dans les communes aux taux de HLM les plus élevés. On peut en effet capter une partie du parc locatif privé : en échange d’un loyer correct, d’une gestion locative assurée par une association et d’une remise en état de leur bien, des propriétaires privés choisissent une solution dite d’ « intermédiation locative ». Mais ces bailleurs ne sont pas assez nombreux.
Si les collectivités se voyaient reconnaître dans la loi un « droit de priorité locatif », elles pourraient mobiliser ces précieux logements directement sur le marché locatif privé. Cela serait plus humain pour ces familles plutôt que d’être renvoyées à la rue, à l’errance ou à des hôtels dits sociaux hors de prix. Cerise sur le gâteau, ce serait moins cher pour l’Etat : 3 000 euros en intermédiation locative par personne et par an, contre 6 000 euros à l’hôtel et 17 000 euros en centre d’hébergement. Qu’est-ce qu’on attend ? A quoi bon mobiliser les moyens de l’Etat en hiver pour mettre les SDF à l’abri si c’est pour mettre à la rue les locataires en difficulté en été ?
Enterrer les sujets qui fâchent
Le collectif Jeudi noir depuis sa création déplore que les publics les plus précaires soient aussi ceux qui subissent le plus de discriminations dans l’accès au logement social : les jeunes, les immigrés et de manière générale ceux qui n’ont pas l’heur de plaire aux élus locaux ou à leurs bailleurs sociaux.
Pour éviter le clientélisme, vous avez lancé une concertation pour des attributions de HLM plus justes, et affirmé votre préférence pour des procédures plus anonymes, plus justes en fonction de critères objectifs sanctionnés par l’attribution de points – le scoring – effectuées au niveau intercommunal. Parfait. Hélas, toutes ces avancées, combattues par de nombreux élus locaux et bailleurs, au prétexte de leur droit à choisir les populations qu’ils accueillent, y compris selon la consonance de leur patronyme, sont remis aux calendes grecques. A quoi bon annoncer une grande loi si c’est pour enterrer les sujets qui fâchent ?
Autre sujet qui fâche, jugé déterminant par tous les experts du logement pour construire des logements sans renforcer l’étalement urbain, mais redouté par le lobby des maires : doter les intercommunalités des pouvoirs d’urbanisme à la place des communes. Votre projet de loi prévoit enfin – après des années de tentatives infructueuses – de rendre obligatoires des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (Plui). Mais la réforme s’arrête en chemin, puisque les maires garderont la délivrance des permis de construire et que les élus intercommunaux seront choisis au niveau communal. Bref, on n’en a pas du tout fini avec l’addition d’égoïsmes. A quoi bon changer l’urbanisme d’échelle si c’est pour conserver la même paralysie dans la prise des décisions ?
Bref, à quoi bon construire les murs si c’est pour ne pas poser le toit, au risque d’obtenir un succès d’estime sans pour autant changer réellement la vie des mal-logés ? Sur la baisse des loyers, les expulsions locatives ou l’application du droit au logement opposable, il est encore temps de mettre en œuvre réellement le mandat politique de cette nouvelle majorité. Dans un an ou deux, quel que soit le ou la ministre du Logement, il sera sans doute trop tard pour des réformes ambitieuses qui heurtent tant de lobbies et d’intérêts locaux. Parce que l’histoire ne repasse pas les plats, le gouvernement ne doit pas rester au milieu du gué, au risque d’y être emporté par le courant. A quoi bon, Cécile Duflot, avoir accepté la participation à ce gouvernement, si c’est pour ne pas aller au bout de vos engagements ?
Les locataires ne veulent plus payer les honoraires aux agences immobilières !
Action Jeudi Noir
Mercredi 12 juin
12h30 au métro Miromesnil
(voir le compte-rendu de l’action – dépêche AFP 12 juin 2013)
Ce ne sont plus des honoraires, c’est du racket ! Le collectif Jeudi Noir en a ras la perruque de voir des agences immobilières sans scrupules ponctionner les candidat-es à chaque changement de locataire. En moyenne, les agences réclament l’équivalent d’1,1 mois de loyer pour avoir le droit de payer un loyer exorbitant dans le parc privé. Au nom de quoi ? Face à la concurrence pour la moindre chambre de bonne, les locataires n’ont d’autre choix que d’accepter de payer cet intermédiaire qui ne leur rend aucun service.
La loi “Duflot 2”, qui devrait être dévoilée dans les prochains jours et débattue au Parlement en septembre, envisage de supprimer ces frais d’agence abusifs. Jeudi Noir dit oui, trois oui, mais il ne faut pas flancher : le lobby des agents immobiliers se déploie tous azimuts comme la misère sur le pauvre monde, sans contre-lobby pour protéger les millions de locataires sans défense. Le pauvre monde c’est nous, nous ne nous laisserons plus tondre. Agents, rendez l’argent !
Jeudi Noir demande la suppression pure et simple des frais d’agence pour les locataires. Les agences défendent les intérêts des bailleurs, pas ceux des locataires. Payer un mois de loyer pour se faire arnaquer par les bailleurs et leurs agents immobiliers, ça suffit ! Sur le marché du travail, les chasseurs de têtes ne sont pas payés par les salariéEs !
Face à la flambée des prix et des arnaques, nous revendiquons aussi :
– L’instauration d’un dossier-type de pièces justificatives à fournir, à la place du florilège actuel de demandes de plus en plus farfelues, humiliantes, intrusives et nombreuses. Une militante de Jeudi Noir s’est récemment vu demander la carte grise du véhicule de ses parents !
– La création d’une garantie universelle des loyers, en échange de la suppression des cautions solidaires.
– La mutualisation des dépôts de garantie : il n’y a pas de raison que les propriétaires fassent fructifier toute l’année cet argent qui ne leur appartient pas.
– L’encadrement des loyers par un miroir à l’allemande, calqué sur les loyers de voisinage et la baisse des loyers de 20% dans les grandes villes.
Jeudi Noir occupe la Fnaim pour dénoncer les frais d’agence immobilière
(AFP) – Une vingtaine de membres du collectif Jeudi Noir ont brièvement occupé mercredi le siège de la Fédération nationale de l’immobilier à Paris, pour dénoncer les frais d’agences immobilières payés par les locataires, a constaté une journaliste de l’AFP.

Aux cris de « Agences, rendez l’argent », les manifestants affublés de perruques fluos ont réussi à s’introduire au siège de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), en chantant et dansant. Cette action, qui a duré près d’une heure, intervenait le jour où ont été dévoilées les grandes lignes du projet de loi sur le logement. Celui-ci prévoit justement de plafonner les frais d’agence payés par le locataire et l’obligation d’en facturer la moitié au propriétaire. Pour l’instant, le locataire d’un nouveau bien paie en frais d’agence environ l’équivalent d’un mois de loyer.
Le montant incombant au locataire devrait par ailleurs être plafonné par décret, « de façon à garantir qu’il correspond au coût réel des prestations et à limiter les abus », et les agences immobilières devront afficher clairement la rémunération à la charge de chacune des parties. « On est vraiment très content de cette annonce de plafonner les frais d’agences, qui est une revendication historique de Jeudi noir », a déclaré à l’AFP Manuel Domergue, porte-parole du collectif. « On espère que le lobby des agents immobiliers ne va pas faire plier le gouvernement », a-t-il ajouté.
« Le projet de loi prévoit de partager les frais de rédaction de bail et de l’état des lieux. Mais nous estimons que le locataire n’a pas à payer. Ce sont des prestations accomplies par l’agence à la place du propriétaire, c’est à lui de payer », a-t-il ajouté. Les manifestants ont rencontré sur place le président délégué de la Fnaim, Jean-Marc Torrollion. « C’est très prématuré de parler de quoi que ce soit, car le projet de loi n’est pas définitif », a déclaré ce dernier qui « défend les frais d’agences car on a développé toute une gamme de services » pour les locataires.
Selon lui, il y a aussi « des enjeux d’emplois. J’ai sept emplois en jeu dans mon agence immobilière de Grenoble », a-t-il ajouté. Pour Manuel Domergue, « les agences peuvent supporter ça facilement, elles vivent depuis longtemps sur ce racket légal. Aujourd’hui, il y a plus d’agences immobilières que de boulangeries. Si un peu de tri se fait, ce ne sera pas plus mal ».

Jeudi Noir enfin bankable !
Jeudi 6 juin on été inaugurés 18 logements sociaux à la place de l’ancien « ministère de la crise du logement » réquisitionné en 2006 par le DAL, Macaq et Jeudi Noir au 24 rue de la banque à Paris (2è). Ce jour est à marquer d’une pierre blanche pour Jeudi Noir car il était attendu de longue date.
Pour Manuel, porte-parole du collectif, « cette inauguration incarne la réussite d’une bonne articulation entre l’activisme des militants et la politique municipale. Elle est aussi la preuve que la réquisition, ça marche ! »
Revoyons l’action au ralenti :
En décembre 2006, Jeudi Noir et ses compères du DAL et de Macaq réquisitionnent ce bâtiment, ancien siège d’une compagnie boursière filiale du CIC.
Vide depuis 3 ans mais toujours chauffé, le bâtiment pouvait accueillir une cinquantaine d’habitants mal logés, précaires, souvent issus de l’hôtellerie sociale. Le ministère de la Crise du logement incarnera les revendications du droit au logement pour tous durant toute la campagne présidentielle de 2007.
Alors qu’au même moment, les Enfants de Don Quichotte occupent le canal St Martin, la mairie de Paris rachète l’immeuble du 24 rue de la banque avec un objectif clair : y construire des logements sociaux dans un arrondissement qui en manque cruellement (4% à cette époque).
Les travaux n’ont pu débuter qu’en 2011. C’est donc plus de 6 ans après sa réquisition par les militants que nous pouvons être fiers d’assister à son inauguration.
Les zinzins doivent faire du logement intermédiaire, pas les HLM
Cécile Duflot présente, mardi 21 mai, un projet de loi l’habilitant à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction dans le secteur du bâtiment. Très bien, mais voila qu’une malheureuse coquille s’est glissée à l’article 1 (6° c), permettant aux offices HLM de créer des filiales dédiées au “logement intermédiaire”, proposant des loyers entre ceux des HLM et ceux du marché.
Alors que les bailleurs sociaux sont encore très loin des objectifs de construction de 150 000 logements sociaux par an, ce projet de loi risquerait de détourner l’attention, les compétences, le foncier disponible et surtout les fonds propres des offices pour construire du logement destiné aux classes moyennes supérieures (par exemple, un couple avec un enfant gagnant plus de 58 000 euros par an).
Alors qu’il y a en France 1,1 million de personnes en attente d’un logement social selon la Fondation Abbé Pierre, et plus généralement 10 millions de personnes concernées par le mal-logement, le ministère ne doit pas perdre son bon sens : l’argent du logement social, pour le logement social : c’est là qu’il y a urgence.
Si l’on veut vraiment fairede l’intermédiaire, il reste une possibilité : tenir les promesses de François Hollande et Cécile Duflot, en forçant les investisseurs institutionnels, les fameux zinzins, à revenir sur le marché du logement. La fondation Terra Nova, vient de publier un excellent rapport qui démontre que l’on peut amener les zinzins à construire 50 000 logements intermédiaires par an en zones tendues, sans dépenser un euro d’argent public. Il suffit de conditionner les immenses avantages de l’épargne défiscalisée à la réorientation d’une part de ces actifs vers le logement. Pourcentage de ces actifs réorientés ? 0,3% par an. Dégradation des résultats des zinzins ? 0,016 % au plus ! Qu’est-ce qu’on attend ?
Enfin, dernier rappel : si l’écart entre les loyers HLM et les loyers de marché est si grand, c’est à cause de l’envolée des loyers depuis 12 ans. La solution est donc là aussi de respecter les promesses de campagne et d’organiser un miroir des loyers qui permette de baisser de 20 % les loyers des zones tendues. Rendez-vous pour cela avec la loi Duflot 2 cet été…

Préemption du squat de la rue de Valenciennes : Une grande victoire pour les mal logé-e-s !
Le conseil de Paris a décidé mardi 23 avril d’engager une procédure de préemption sur ce bâtiment, occupé depuis décembre 2012 par des familles et des jeunes précaires avec le soutien de l’association Droit au Logement et du collectif Jeudi Noir. La mairie annonce sa volonté de transformer cet immeuble de bureaux de 1600 m², vacant jusqu’à notre arrivée, en 16 logements sociaux.
C’est une grande victoire pour les mal logé-e-s et Jeudi-Noir. Grâce à notre interpellation, non seulement un immeuble devrait échapper à la spéculation qui étouffe nos centres-villes, mais en plus le parc social progressera dans une ville qui en a tant besoin.
Nous espérons naturellement que les négociations avec les propriétaires aboutiront rapidement. Les habitant-e-s se réjouissent de la perspective d’une sortie par le haut, qui mettrait fin aux procédures judiciaires intentées contre eux tout en trouvant enfin une réelle utilité à ce bâtiment. Le collectif Jeudi Noir souhaite que la soixantaine d’habitant-e-s actuel-le-s puissent être relogés le plus rapidement possible dans le parc social et qu’aucune expulsion évidemment ne soit possible jusqu’au début des travaux. Nous saurons également rappeler à la municipalité que les futurs logements devront être des logements vraiment sociaux et non pas des logements “PLS” prétendument intermédiaires.
« Réquisitionner – Préempter – Reloger » (RPR) : notre slogan est plus que jamais d’actualité. Heureux hasard du calendrier, l’immeuble du 24 rue de la Banque (75002) réquisitionné en 2006 par le DAL et Jeudi Noir, avant d’être lui aussi racheté et transformé en logements sociaux, sera inauguré officiellement le 6 juin 2013.
En ce jour de réjouissance, trop rare pour les mal logé-e-s, nous n’oublions pas que la lutte contre la vacance passe aussi par la réquisition des logements et bureaux vides. Pourtant, nous ne voyons toujours aucune des réquisitions promises par le gouvernement poindre à l’horizon. Nous rappelons aussi que les expulsions arbitraires continuent et que cette bonne nouvelle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt des remises à la rue.
Les réquisitions citoyennes continueront parce que pour pouvoir rêver, il faut savoir où dormir !