«Jeudi Noir quittera les lieux le jour où AXA justifiera en avoir besoin»
Libération
La société d’assurance poursuit le collectif qui squatte un de ses immeubles à côté de l’Elysée. Une décision de justice pourrait tomber mardi. Entretien avec l’avocat de Jeudi Noir qui espère un renvoi de l’affaire.
Alors que Jeudi Noir occupe depuis fin décembre un immeuble de bureaux à deux pas de l’Elysée, le collectif de mal-logés devra se défendre mardi devant la justice. AXA, propriétaire des lieux, a en effet décidé d’assigner les occupants en référé. Le tribunal d’instance du VIIIe arrondissement de Paris pourrait ordonner leur expulsion sans délai.
Me Pascal Winter est l’avocat de Jeudi Noir. Il a déjà plaidé la cause du collectif lors de l’occupation de la Marquise, un hôtel particulier place des Vosges, en plein cœur de Paris. Sans succès, en octobre dernier, la cour d’appel de Paris avait finalement ordonné l’expulsion sur-le-champ de Jeudi Noir, par ailleurs condamné à verser près de 80.000 euros d’indemnités.
A la veille d’un nouveau procès, l’avocat du collectif espère cette fois-ci une meilleure issue.
Jeudi Noir est assigné en justice ce mardi par l’assureur AXA, comment abordez-vous le procès?
Nous allons demander le renvoi de l’affaire en février, pour erreur de procédure. AXA nous attaque sur la base d’un document qui n’est pas, à mon sens, valable. Ils ont fait un constat d’huissier sur requête d’un tribunal qui n’est pas compétent en la matière.
Demain, ce sera donc un test: si le tribunal accepte le renvoi de l’affaire, ça nous laissera un délai pour nous retourner. Sinon, ce sera difficile d’obtenir gain de cause.
Et si, demain, le tribunal ordonne l’expulsion?
Nous ferons appel, bien évidemment. Notre objectif, c’est d’obtenir un délai pour trouver tant que possible une solution à l’amiable. Jeudi Noir est disposé à quitter les lieux le jour où AXA justifiera en avoir instamment besoin. En attendant, si l’on pouvait bénéficier d’une convention d’occupation précaire ce serait déjà une base de discussion.
AXA ne souhaite pas engager sa responsablité en cas d’incident. Selon l’assureur, les locaux ne sont pas aux normes, les alarmes incendies, hors d’état de marche. Mais de notre côté, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités concernant la sécurité et à assumer les risques que pose l’occupation.
A part ça, n’oublions pas une chose, le bâtiment réquisitionné n’a pas été forcé. La porte était ouverte, il ne s’agit pas d’une effraction. C’est un point essentiel…
Jeudi Noir a-t-il les moyens de perdre un nouveau procès, après avoir été condamné à de lourdes indemnités pour son occupation d’un hôtel particulier place des Vosges?
Cette fois, c’est différent. AXA semble disposé à discuter. Il s’agit d’un propriétaire qui est moins vindicatif qu’à la Marquise. Là où la propriétaire de l’hôtel de la place des Vosges demandait des sommes exorbitantes, AXA ne nous demande pas d’argent.
Par ailleurs, à la Marquise, la propriétaire arguait pour nous faire expulser de la réalisation de travaux qu’elle entendait effectuer et qui, soit dit en passant n’ont toujours pas été réalisés.
AXA, de son côté, ne peut pas en faire autant. Le groupe est engagé dans un contentieux au sujet des parkings du bâtiment, il en a pour des mois de procédure avant de pouvoir réaliser les travaux de remise aux normes prévus. Nous pouvons donc faire valoir la non-utilisation des locaux pour légitimer l’occupation.
Reste que nous attendons un autre jugement qui doit être rendu prochainement, sur une précédente occupation, rue de Sèvres. La propriétaire demande cette fois des sommes monstrueuses. [Jeudi Noir se voit réclamer près de 460.000 euros pour l’occupation d’un bâtiment parisien de mars 2008 à juin 2009, ndlr]. Nous attendons le délibéré qui devrait avoir lieu le 31 janvier prochain.
Le procès de Jeudi Noir reporté au 4 février
20 minutes
Selon le site Internet de Lavieimmo.com, le procès du collectif Jeudi Noir, qui devait avoir lieu mardi matin à 9h30 au Tribunal d’Instance de Paris 8ème, a été reporté au 4 février. La raison: «Un complément d’information [est] intervenu hier dans la soirée», a indiqué le collectif à la sortie du tribunal cité par Lavieimmo.com. Rappelons que les militants du collectif occupent illégalement un immeuble situé au 22 avenue de Matignon, propriété d’une filiale d’Axa. Le groupe d’assurance a entamé début janvier des poursuites judiciaires contre le collectif afin que les militants quittent l’immeuble.
Soutien des Associations unies à un squat symbolique
Secours catholique
Les représentants des Associations unies pour le logement étaient, ce matin du 24 janvier, devant l’immeuble parisien d’Axa occupé par les militants du collectif Jeudi Noir. Pour dénoncer l’aggravation de la crise du logement et pour faire des propositions.
« Il y a des logements vides, vacants, alors que des millions de personnes sont mal logées ou ne peuvent plus payer leur loyer », dénonçait ce matin, avenue Matignon à Paris, Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre. Il s’exprimait au nom du collectif des Associations unies pour le logement, dont fait partie le Secours Catholique. Au nom des Associations unies, il a présenté des vœux pour une politique du logement plus solidaire, au pied de l’immeuble de la société Axa occupé par les militants de Jeudi Noir, 22 avenue Matignon.
« La vraie vie des vrais gens »
Au nombre de ces vœux, celui de rencontrer le président de la République pour lui « raconter la vraie vie des vrais gens », et lui faire des propositions « constructives », selon l’expression de Matthieu Angotti, directeur général de la Fnars, également membre du collectif. Parmi ces propositions, l’introduction d’un quota de logements sociaux dans tout programme de construction ou le maintien du niveau de financement du logement social (amputé de 20 000 logements en 2011) et des allocations logement (en baisse de 360 millions d’euros).
« Des jeunes précaires dépensent 40 à 50% de leurs revenus pour se loger », dénonce Christophe Robert. Des femmes isolées, des familles, des migrants, des retraités n’arrivent plus à se loger décemment, par centaines de milliers. Ce« gâchis du mal-logement » se répercute sur la santé, l’emploi, la scolarité des enfants, veulent dire les membres du collectif au président de la République.
Renard, informaticien indépendant
Serge, un retraité, dort plusieurs nuits par semaine dans l’immeuble de bureaux occupé par Jeudi Noir. Par solidarité. A cause de sa retraite insuffisante et de son divorce, il était lui-même sans logement il y a peu. Une famille au chômage avec enfants risque d’être expulsée. Elle vient le week-end avenue Matignon, dans l’espoir d’y trouver une solution alternative. Mais le manque de chauffage et l’interdiction par la police de faire entrer des meubles, l’empêche de s’installer plus durablement.
Renard, 35 ans, fait partie des militants qui habitent sur place. Ils sont filtrés par la police à chaque franchissement de l’entrée. Informaticien indépendant, Renard n’a pas d’autre logement. Avant, il vivait chez des amis ou chez ses parents, qui habitent loin. Il ne se sent pas désocialisé, mais « un lieu comme ça me permet, dit-il, de ne pas tomber de l’autre côté de la barrière de la précarité », remarque-t-il.
« Personne n’est à l’abri »
Alix, également de Jeudi Noir, est sorti sur le trottoir du 22. Le crachin parisien laisse transparaître l’éclat de l’avenue Matignon : juste en face, le siège de verre et de pierre d’Axa. A quelques pas, l’ambassade d’Israël et un immeuble de l’assureur en construction. Sur le même trottoir, les prestigieuses galeries de peinture de l’avenue…
Alix pose l’occupation du 22 sur le plan politique : « Ce quartier est un symbole. Du dernier étage, on voit les toits de l’Élysée. Cela signifie qu’on ne peut plus faire semblant d’ignorer qu’il y a des bâtiments vides dans ce quartier, explique-t-il.Paris est devenu tellement cher, affirme-t-il, que les sociétés déménagent en banlieue. Les propriétaires ont intérêt à ne pas relouer : un immeuble vide est plus facile à vendre et prend donc plus de valeur », analyse Alix.
Propositions de relogement
De son côté, Axa demandera en référé l’expulsion des squatteurs, dès demain mardi 25 janvier, au tribunal d’instance du 8ème arrondissement de Paris. La grande société d’assurances explique sa démarche judiciaire par le fait que l’immeuble est à usage de bureaux et non d’habitation et par des problèmes de sécurité.
Axa fait des propositions de relogement aux occupants mais rejette comme « inenvisageable » le bail d’occupation précaire demandé par Jeudi Noir. Les occupants de l’immeuble pourraient payer entre 150 et 300 € par mois et par habitant, estime Alix. Une somme bien sûr dérisoire par rapport à la valeur locative de l’immeuble…
François Tcherkessoff
« Jeudi noir » : une oeuvre de salubrité publique
Blog de Christophe Caresche
Il faudrait reconnaître « Jeudi noir » comme une œuvre de salubrité tant leur combat est nécessaire.
Je me suis rendu vendredi dernier, après bien d’autres, dans les locaux appartenant à AXA, que ce collectif occupe depuis une dizaine de jours. L’histoire de ces bureaux inoccupés depuis plusieurs années à deux pas de l’Elysée (on voit la cour de la présidence de la République du sommet de ce bâtiment, ce qui manifestement rend nerveux la police, qui filtre les entrées !) est exemplaire. La société d’assurance AXA possède, en face de son siège, 2500 m2 de bureaux qui sont vides depuis quatre ans ! Chaque matin, en se rendant à leur travail les dirigeants d’AXA passent devant ses locaux dont leur entreprise est propriétaire, sans, manifestement, leur trouver une destination.
Pourquoi ces bureaux ne trouvent-ils pas preneurs ?
Une récente étude d’un cabinet indépendant « Immogroup consulting » donne des explications très convaincantes. L’immobilier d’entreprise a connu, ces dernières années, particulièrement à Paris et en Ile de France un développement important. Les investisseurs, notamment institutionnels (banques, assurances, comme AXA…), ont investi, massivement, dans l’immobilier d’entreprise avec pour conséquence un excès d’offre de locaux professionnels. Ce sont donc plusieurs milliers de m2 de bureaux qui aujourd’hui sont sur le marché sans trouver preneurs. Cette situation est aggravée par le fait qu’une partie de ces bureaux n’est plus adaptée aux exigences actuelles du marché (c’est d’ailleurs, peut-être le cas de l’immeuble appartenant à AXA).
Mais ce qu’il y a de plus choquant dans cette évolution, c’est qu’elle a eu un impact non négligeable sur la situation du logement. La préférence accordée à l’immobilier d’entreprise s’est faite au détriment de la construction de logements. La démonstration « d’Immogroup consulting » est très claire, sur ce point. Le rythme de construction de bureaux a été constamment supérieure au rythme de construction de logements ces dernières années en Ile de France. En pesant sur la mobilisation des terrains, rares dans les zones agglomérées, en drainant les capacités d’investissement, la construction de bureaux a contraint la construction de logements.
Résultat : la construction de nouveaux logements a été freinée au profit de la réalisation de bureaux … vides !
« Immogroup consulting » va jusqu’à évaluer que le déficit annuel de construction de logements en Ile de France correspond à l’excédent de construction de bureaux. Cela signifie que si on avait construit des logements à la place de ces bureaux, souvent vides, l’Ile de France aurait réussi à résorber son déficit de logements ! On voit l’ampleur du désastre.
Que faire, maintenant ? Reconvertir une partie de ces m2 de bureaux excédentaires en logements. Comment ? En prenant des mesures à la fois contraignantes, mais aussi incitatives, pour que les investisseurs s’engagent dans cette transformation.
On pourrait, comme le propose « Jeudi noir » créer une taxe sur les bureaux vides comme il existe une taxe sur les logements vides. Un propriétaire de bureaux qui n’auraient pas trouvé d’occupants au bout d’un certain temps serait lourdement taxé à moins qu’il ne décide de transformer ses bureaux en logements. Dans ce cas il serait encouragé par des exonérations fiscales. Il est sans doute possible de récupérer plusieurs milliers de m2 de bureaux, notamment ceux qui ne sont plus adaptés aux besoins du marché, avec un tel dispositif. Après tout, dans le centre de Paris, notamment, de nombreux bureaux étaient initialement des logements. Il s’agirait de leur rendre leur vocation originelle.
Mais il faut aussi réorienter l’investissement immobilier vers la construction de logements. Cela suppose une action sur les documents d’urbanisme et des mesures favorisant l’investissement dans le logement.
La crise du logement n’est pas une fatalité. Il est possible avec de l’imagination et de la détermination d’y remédier. C’est ce que nous montre « Jeudi noir ».
PS : je veux apporter mon soutien à Julien Boucher, le responsable de l’association « Macaq » qui a été mis en cause récemment dans sa gestion de l’occupation de l’immeuble de la rue de la Banque. Des maladresses ont peut-être été commises, mais pour bien connaître Julien, je suis certain de son intégrité et de son honnêteté. Au demeurant, rien dans ce qui a été relaté par la presse ne m’a choqué.
Quelqu’un m’a dit
Jeudi Noir – Quelqu’un m’a dit – Matignon
envoyé par jeudinoir. – L’info video en direct.
On me dit qu’aujourd’hui
Des gens dorment dehors.
Est-ce vrai mon chéri
Toi, qui es le plus fort ?
On dit que par ici
Ils sont vides les bureaux
Ce qu’il manque le plus
C’est des logements sociaux
Pourtant quelqu’un m’a dit
Que tu promets encore
C’est quelqu’un qui m’a dit
Que tu promets encore
Serait-ce possible alors ?
Mais il m’est Apparu
Qu’il fait pas son boulot
Le nombre de sans abri
est loin d’être à zéro
Parait que les squatteurs
Font encore des remous
Qu’ils viennent de s’installer
A deux pas de chez nous
Pourtant quelqu’un m’a dit
Qu’ils squattaient encore…
C’est quelqu’un qui m’a dit
Qu’ils squattaient encore…
Serait possible alors ?
Ils disent que c’est possible
De réquisitionner
Qu’il te suffirait juste
D’appeler les préfets
Moi, je dirais même plus
Encadrer les loyers
Mais ce qu’il te manque chéri,
C’est de la volonté
Pourtant quelqu’un m’a dit (à fond les ballons )
Qu’ils squattaient encore…
C’est quelqu’un qui m’a dit
Qu’ils squattaient encore…
Allez, un p’tit effort