Le Parisien : Le drôle de business des chambres de bonne

Le drôle de business des chambres de bonne

Louer des chambres de bonne de moins de 9 m 2 est illégal en France. Tous les jours pourtant, des annonces proposent des « 4 ou 6 m 2 » à la location. Notre enquête auprès des loueurs de « placards » et de leurs locataires.

« CHAMBRE de 6 m 2 environ, à proximité du pont Mirabeau, rue Félicien-David (Paris XVI e ), au 8 e étage. Prix de la location : 400 € . WC (propre) sur palier.

» Ce type d’annonce se trouvait hier sur le site SeLoger.com, spécialisé dans l’immobilier. Studettes, placards sans fenêtre, soupentes… le business des locations et des achats à prix très élevés de ces logements minuscules explose. 2 172 chambres de service ont changé de main en 2005 selon les chiffres des notaires. Ce site Internet donne une idée de la profusion de ces « placards » proposés à la location : plus de deux cents annonces correspondent à une surface comprise entre « 4 et 10 m 2 », pour des loyers compris entre 300 € et 500 € . Victimes principales de cet emballement du marché : les étudiants, les smicards et les précaires.

Tous paient le prix fort pour des toits souvent à la limite de la légalité… et de la décence. En France, la loi interdit la location d’une surface inférieure à 9 m 2 , sauf cas très particuliers (lire interview page 3). Mais la rareté des poursuites judiciaires encourage l’essor d’un marché parallèle et lucratif. « Certains agents immobiliers ont déserté ce créneau car huit chambres de bonne sur dix ne sont plus aux normes », détaille Marcel Ricard, président de la chambre Fnaim Paris-Ile-de-France.

Des taux de rentabilité situés entre 10 % et 15 %

Sur les 110 000 chambres de bonnes parisiennes, seules 20 000 sont disponibles sur le marché locatif. Les autres restent à disposition de leurs propriétaires pour un usage privatif. Mais des investisseurs s’engouffrent pour saisir les dernières affaires. Les témoignages recueillis auprès de différents agents immobiliers cernent le profil de ces nouveaux propriétaires : de jeunes cadres, rompus aux méthodes de la Bourse, cherchent dans ces petites surfaces des revenus rapides avec des taux de rentabilité situés entre 10 % et 15 %. Ils n’ont aucun souci à se faire : elles se louent en un rien de temps. Les moins fortunés s’arrachent les loyers les plus bas de la capitale.

Jeudi noir, une association qui dénonce la crise immobilière, choisit l’humour pour sensibiliser l’opinion. « Nous avons organisé une manifestation festive dans une chambre de 9,83 m 2 proposée à la location à 450 € dans le XVII e , sans fenêtre. Nous sommes venus avec un nain de jardin plus adapté à la taille du logement… », raille Manuel Domergue, l’un des membres du collectif. Avant d’expliquer : « Les étudiants subissent de plein fouet la hausse des prix car ils déménagent souvent. Les propriétaires en profitent pour augmenter le loyer. »

D’autant que la demande est forte : les « bouts de couloir » trouvent aussi preneurs auprès des parents qui veulent contourner la carte scolaire, ou les dirigeants de PME en quête d’une adresse prestigieuse pour leur siège social. Plus que jamais, Jérôme, un cadre marketing de 26 ans, investit dans le 9 m 2 . « Des personnes âgées possèdent soixante chambres, achetées une bouchée de pain il y a vingt ans. A l’époque, personne n’en voulait. Qui imaginait qu’un jour des personnes pourraient vivre dans si peu d’espace. Aujourd’hui, c’est un véritable marché, on se les arrache. »